Ateliers d'Art de France

Ilann Vogt – Tisseur de textes lauréat du PJCMA 2019

Son parcours

Par amour de la littérature, Ilann Vogt découpe les livres, les tisse et les transforme en une matière aussi souple qu’un tissu. Sa pratique associe la magie d’une enfance passée dans une maison « gorgée de livres », auprès d’un père écrivain, et un parcours en Arts Appliqués à Rennes où il s’est initié au tissage de papier. A l’âge de 24 ans, il se prend à découper, « ligne de texte après ligne de texte », les pages de livres choisis dans leur langue d’origine. Assemblées les unes aux autres, les ficelles de papier sont entrecroisées pour réaliser un tissage aux doigts. La matière obtenue peut être pliée ou drapée, comme une sculpture. « Créer la matière représente 90% de mon travail », précise le Breton de 32 ans installé à Ville-Es-Nonais.

 

Sa technique

Afin de donner corps à l’imaginaire de l’auteur, il invente pour chaque livre une méthode de tissage singulière, en lien avec le fonds ou le style de l’ouvrage. Pour « Eugène Onéguine » de Pouchkine, long poème en russe, les ficelles entrecroisées reprennent la structure de la versification. La liberté de la langue de Joyce dans « Ulysse » s’incarne dans un tissage aléatoire et sans contraintes, et « Fêtes galantes » de Verlaine dans une matière aux allures de broderie. « Rien de trop figuratif, pour ne pas empiéter sur l’imaginaire de chacun » explique Ilann Vogt qui a d’abord tissé un poème de Rimbaud, puis un recueil de nouvelles, puis « A la recherche du temps perdu » de Proust… Deux cents livres en tout.

Ses projets

« Recevoir le Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, précise-t-il, m’a confirmé dans l’idée que ma pratique est à un point de jonction entre l’art papier et l’art textile, l’artisanat et la littérature. Le prix reconnaît ainsi un travail qui prend en compte la matière ».

Ilann Vogt fréquente régulièrement les salons dédiés aux artistes du livre, mais attend de sa présence sur Révélations de la visibilité et des contacts avec des artisans créateurs. Se revendiquant « tisserand avant tout », il croit aux échanges fructueux entre professionnels des métiers d’art. « Mais mon travail n’a de sens que s’il se fait à l’échelle d’une vie ! J’ai des projets sur vingt ou trente ans, de façon à constituer une bibliothèque idéale de mille livres tissés ». Sur Révélations, il présentera l’ébauche de « Cana », une oeuvre de longue haleine tissée à partir d’extraits de textes. Son titre provisoire fait référence aux « Noces de Cana », exposé au Louvre face à la Joconde. Les dimensions du tableau de Véronèse (70 m²) devraient être à terme celles de son ouvrage.

« Le tissage rend sensible la temporalité car il scripte, contrairement à la toile du peintre, tous les gestes, du premier jusqu’au dernier », confie l’artiste qui rédige en parallèle de son travail un mémoire sur le mythe de Pénélope. Il y analyse, avec passion, les liens étroits qu’entretiennent le texte et le textile.

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