LAURÉAT NATIONAL 2019
CONCOURS ATELIERS D’ART DE FRANCE – CATÉGORIE patrimoine
Monter en volume une matière aussi plate qu’une feuille de parchemin et venue d’un autre temps, tel est le pari de Matéo Crémades, seul sculpteur sur parchemin en France. « Nous ne sommes que deux dans le monde ! », précise ce musicien et chanteur, passionné de musiques anciennes, qui a fondé un duo au répertoire pré-baroque, Ensemble Parchemins. Venu en Indre-et-Loire pour se former en musicologie à l’université François-Rabelais de Tours, il a découvert les rosaces en parchemin qui ornent, de l’intérieur, l’ouverture circulaire des instruments à cordes pincées des XVIe et XVIIe siècles, comme le luth ou la viole de gambe.
« Ce sont des ornements minutieux, très ouvragés, qui ne se voient quasiment pas, signe du raffinement extrême de l’époque ». Le défi de l’extrême précision le séduit. Il expérimente ses premières rosaces sur les guitares baroques qu’il fabrique en autodidacte. Lui a choisi le parchemin de chevrette, pour sa texture et « son grain intéressant ». Désormais installé à Rochecorbon, entre Tours et Vouvray, Matéo Crémades sculpte et assemble à la main des copies de rosaces historiques pour une clientèle de luthiers et de facteurs d’instruments de musique. Désireux de faire connaître ce savoir-faire rare, il conçoit également des gammes de bijoux en parchemin et bois précieux et s’aventure dans la réalisation de tableaux et d’objets éclairants.
La rose sous cloche est la reproduction d’un ornement inséré dans une guitare italienne anonyme de 1620, exposée à la Cité de la Musique à Paris. Avec ses six étages, l’architecture de la pièce rappelle un gâteau de mariage inversé. Chaque niveau est constitué de trois feuilles de parchemin patiemment ajourées, au scalpel ou avec des emporte-pièces circulaires, puis superposés. Un semis de fleurs minuscules réalisées à main levée vient enrichir le décor. Pour les éléments verticaux de la structure Matéo s’est inspiré de motifs puisés dans les traités de broderie de la Renaissance. Ici, pas d’instrument à orner : la rose de parchemin, rétro-éclairée par une lentille lumineuse, se fait bel objet à part entière. La matière déconcerte : de la dentelle, du bois, de l’ivoire ? La lumière, associée aux effets de la dorure à la feuille d’or, valorise les arabesques complexes de la pièce. Voilà l’observateur aspiré dans les profondeurs d’un monde baroque.
